Éditorial du président de l'AMRF, Vanik Berberian
Je me retrouve souvent dans les propos de l'AMFR. Alors, je partage.
Nous disons souvent au travers de ces pages, que le maire rural se caractérise par sa capacité à nager à contre courant. Ce pourrait même être une discipline olympique. Cette aptitude est un paramètre vital, au sens médical du terme, qui détermine l'état de santé de l'élu. Il exige un entraînement soutenu et régulier.
Et il en faut de la disponibilité et de l'endurance pour résister et vivre au quotidien ce qui, au fil des jours, ressemble à une longue marche sans fin. Cet entêtement lucide, la plupart des maires ruraux le pratiquent.
Ils le pratiquent pour des sujets aussi variés que le refus de l'aberrante application des normes lorsqu'elles sont inadaptées. Contre le comportement de tel ou tel citoyen qui confond intérêt général et intérêt particulier. Contre une conception totalitaire de l'organisation territoriale qui, par exemple, bafoue la liberté communale et rend obligatoire le transfert de la compétence « eau et assainissement » à l'intercommunalité.
Mais il faut se rendre à l'évidence, les données politiques ne sont plus vraiment les mêmes. Les partis politiques qui ont pendant quarante ans, au gré des alternances, mené la vie politique dans notre pays se sont effondrés sur eux-mêmes, et les autres qui participaient également au concert, sont dans un piteux état, assez comparable aux premiers, tant du point de vue de leur organisation interne que de leur audience auprès des français.
Conséquence, la nature ayant horreur du vide, c'est l'État central dans sa majesté, et singulièrement Bercy, qui prend le dessus comme jamais et oriente, pour ne pas dire dirige, les décisions politiques.
C'est la raison essentielle pour laquelle, en parallèle, les élus doivent rapidement reconsidérer la nature de leurs relations avec l'État et se débarrasser tout aussi prestement des réflexes et des mécanismes qui régissaient ce qui devient aujourd'hui, non plus des repères politiques, mais des postures fragiles et anachroniques. N'en déplaise aux caciques des partis et à la crème médiatique, qui font preuve de cécité ou font semblant de ne pas voir la réalité des urnes, le sujet n'est pas tant une opposition entre ce qui serait un ancien et un nouveau monde, mais plutôt l'acceptation de l'idée qu'il va falloir inventer ensemble, des formes nouvelles d'action.
Alors oui, au risque de paraphraser le sociologue Bourdieu, et j'accepte bien volontiers que le citer soit perçu par certains comme tinté d'archaïsme : être maire rural c'est, aujourd'hui plus que jamais, pratiquer un sport de combat.